Les risques psychosociaux (RPS)
La notion de RPS est le résultat d’une prise de conscience causée par les suicides dans les grandes entreprises au début du XXIe siècle. Elle est apparue dans les années 2000 comme une extension de la notion de stress. La notion de stress lui sert de cadre de référence. L’avantage de cette approche est de sortir de la seule approche individuelle. Elle inscrit les questions de souffrance au travail dans le champ de la prévention des risques professionnels (Clot, 2010).
Définitions des RPS
Le ministère du Travail les définit comme suit : « les RPS sont à l’interface de l’individu et de sa situation de travail d’où le terme de risque psychosocial. Sous l’entité RPS, on entend stress, mais aussi violences internes (harcèlement moral, harcèlement sexuel) et violences externes (exercées par des personnes extérieures à l’entreprise à l’encontre des salariés). »
Le comité d’experts sur les RPS réuni en 2011 à la demande du Ministère du Travail (rapport rédigé par Michel Gollac) en donne la définition suivante : « Les risques psychosociaux seront définis comme les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ». Ce comité identifie 6 grands types de facteurs de risques psychosociaux au travail liés :
- À l’intensité et au temps de travail
- Aux exigences émotionnelles
- À une autonomie insuffisante
- À la mauvaise qualité des rapports sociaux
- Aux conflits de valeurs
- À l’insécurité de la situation de travail
L’avantage de cette définition, pour Valléry et Leduc (2017) est de considérer les RPS non seulement au regard de leurs manifestations, mais également de leurs sources possibles. L’objectif premier d’une démarche RPS est donc d’identifier les sources de mal-être au travail.
Réglementation et prévention des RPS
La prévention des RPS s’ancre sur un corpus législatif et réglementaire ancien encadrant les obligations des employeurs en la matière. La directive-cadre (89/39/CEE) transposée en droit français par la loi du 31 décembre 1991 définit en particulier l’obligation pour l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (art. L. 4121-1 et suivants du Code du travail). Cette loi confère à l’employeur une obligation de sécurité. Elle s’inscrit dans une démarche globale d’évaluation et de prévention de tous risques y compris les RPS. Cette loi renforce les compétences du CHSCT en lui offrant la possibilité de faire appel à un expert pour évaluer des risques.
Document unique d’évaluation des risques professionnels
Dans la même logique, depuis le décret du 5 novembre 2001, l’employeur a pour obligation de transcrire l’inventaire des risques, au niveau de chaque unité de travail à travers un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Ce DUERP doit lister et hiérarchiser les risques, dont les RPS, préconiser des actions, permettre un suivi des risques et être revu au moins une fois par an.
Il ne s’agit pas seulement de rechercher la conformité à des obligations précises, mais d’obtenir le résultat attendu. Dans ses arrêts du 28 février 2002, la Cour de cassation a fait de la sécurité une obligation de résultat. Obligation à la charge de l’employeur, dont le non-respect constitue une faute inexcusable.
Santé mentale
La loi du 17 janvier 2002 dite de « modernisation sociale » introduit, dans le droit, le terme de « harcèlement moral » et le définit comme suit : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (art. 1152.1. du Code du travail). Cette loi est importante, car elle fait pénétrer la santé mentale dans la sphère juridique.
Accords nationaux
En dehors de ces obligations générales, les entreprises sont soumises à deux accords nationaux interprofessionnels :
L’accord national interprofessionnel sur le stress au travail a été signé le 2 juillet 2008, et rendu obligatoire par un arrêté ministériel du 23 avril 2009. Cet accord propose des indicateurs pour dépister le stress au travail et un cadre pour le prévenir. Il est la transposition de l’accord-cadre européen signé en 2004.
L’accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail a été signé le 26 mars 2010 et étendu par un arrêté du 23 juillet 2010. Il invite les entreprises à déclarer clairement que le harcèlement et la violence sur le lieu de travail ne sont pas tolérés, et à prévoir des mesures appropriées de gestion et de prévention.
Pathologies psychiques et maladies professionnelles
Plus récemment, grâce au décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 les pathologies psychiques peuvent être plus facilement reconnues comme des maladies professionnelles. Sont notamment concernés le syndrome d’épuisement professionnel ou le burn-out. Toutefois, il reste difficile de faire reconnaitre l’origine professionnelle de ces pathologies. Elles ne sont pas inscrites au tableau des maladies professionnelles du Code de la Sécurité sociale.
La loi El Khomri ou loi « Travail » entrée en vigueur le 1er janvier 2017, renforce les obligations de l’employeur en termes de prévention du harcèlement moral en sanctionnant les employeurs trop intrusifs sur la vie personnelle et familiale prévoyant un droit à la déconnexion dû un usage abusif d’outils numériques. Concernant les RPS, l’employeur a désormais l’obligation de mise en place d’actions de prévention en matière d’agissements sexistes sur le lieu de travail, au même titre que le harcèlement moral et sexuel.
La démarche de prévention des RPS
La démarche de prévention s’appuie essentiellement sur des outils de mesure quantitatifs pour évaluer les risques psychosociaux. Le plus répandu de ces outils est le questionnaire issu des travaux de Karasek qui permet de mesurer les tensions au travail en calculant 3 dimensions :
- La demande psychologique : quantité de travail, intensité, travail morcelé.
- La latitude décisionnelle : marges de manœuvre, participation aux décisions concernant l’organisation de son travail, utilisation de ses compétences.
- Le soutien social au travail : aide et reconnaissance du travail fourni par les collègues et la hiérarchie.
Le questionnaire permet d’identifier les personnes en situation de tension au travail appelée également situation de « job strain » qui est un déséquilibre entre de fortes exigences et un manque d’autonomie.
Les limites de l’approche des RPS
La notion de stress recouvre un cadre théorique et explicatif circonscrit. Ce n’est pas le cas des RPS. Ils implique des concepts qui peuvent désigner soit des causes d’origine professionnelle, soit des effets sur la santé. La manifestation des RPS relève des dimensions liées au vécu du salarié et relatives à la situation de travail. Les moyens actuels d’évaluation des RPS ne permettent pas d’approcher leur globalité ni leur complexité. Les causes de ces difficultés reposent sur le fait que les moyens d’évaluation des RPS se fondent sur le modèle spécifique et partiel du stress et utilisent des outils formalisés à visée quantitative (Valléry, G. & Leduc, S. (2017)).
Pierre Rabardel, ergonome et professeur à l’université Paris 8 initialement membre du collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux à l’origine du rapport Gollac en a démissionné. Il invoque, pour expliquer cette démission, l’utilisation sous-jacente du modèle positiviste aux questionnements proposés par le collège d’expertise.
Ma pratique s’inscrit dans le respect du code de déontologie des psychologues.
Marek CHELMINSKI Consultant
Psychologue du travail Toulouse (31)
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